Ce dossier spécial, coécrit par la Dre Susan R. Kahn et la Dre Kerstin de Wit, a pour but d’aider les cliniciens de première ligne à mieux diagnostiquer, traiter et gérer une affection courante ayant de nombreuses répercussions et pouvant être fatale pour les patients
L’embolie pulmonaire (EP) est la forme la plus dangereuse, et potentiellement mortelle, de la thromboembolie veineuse (TEV), dans laquelle un caillot de sang se développe dans une grosse veine. L’EP se produit lorsqu’un caillot sanguin se déplace des jambes vers les poumons, provoquant des douleurs thoraciques lancinantes, de la toux, des difficultés respiratoires et un pouls rapide. Cette affection touche en moyenne 30 000 Canadiens chaque année.
« Bien que l’EP soit une affection courante, elle est souvent mal diagnostiquée et sous-diagnostiquée, car savoir quel test de diagnostic utiliser et à quel moment est un défi majeur », explique la Dre Susan R. Kahn, chercheuse principale au Centre d’épidémiologie clinique de l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif (HGJ), directrice du Centre d’excellence en thrombose et anticoagulation (CETAC) de l’HGJ, et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en thromboembolie veineuse, autrice principal de l’article. « Dans la pratique, elle peut être diagnostiquée comme un autre problème, comme une pneumonie par exemple, ou les médecins peuvent ne pas penser que le patient pourrait avoir une EP et ainsi ne pas faire un test de diagnostic approprié. »
La guérison d’une EP est associée à des complications telles que des saignements dus au traitement anticoagulant, une TEV récurrente, une hypertension pulmonaire thromboembolique chronique et une détresse psychologique à long terme. En outre, l’équipe du Dr Kahn a précédemment démontré qu’environ la moitié des patients qui reçoivent un diagnostic d’EP ont des limitations fonctionnelles et d’exercice un an plus tard (connues sous le nom de syndrome post-pulmonaire-embolique), et que la qualité de vie liée à la santé des patients ayant des antécédents d’EP est faible, ce qui rend crucial le diagnostic rapide et la prise en charge experte de l’EP.
La Dre Kahn et sa co-autrice, la Dre Kerstin de Wit, médecin spécialiste de la thrombose veineuse et de la médecine d’urgence et chercheuse au Kingston Health Sciences Centre, donnent un aperçu clinique de ce que l’on sait actuellement de l’EP, de son diagnostic, de son traitement, de sa gestion et du suivi des patients, à l’aide d’une illustration de cas.
L’article contient de nombreux points pratiques pour les cliniciens, soulignant que :
- L’EP est un diagnostic courant avec de nombreuses répercussions, et peut être fatale si elle n’est pas reconnue et traitée de manière appropriée. Une EP non traitée a un taux de mortalité proche de 20 % ;
- Il est très important pour les médecins de se familiariser avec une approche diagnostique, de très bien la connaître et de l’utiliser systématiquement ;
- Le traitement initial est guidé par la classification de l’embolie pulmonaire en risque élevé, risque intermédiaire ou risque faible ;
- Les modalités et la durée du traitement varient en fonction des conditions médicales et des caractéristiques des patients (par exemple, cancer, maladie rénale ou hépatique avancée, femmes enceintes, etc.)
L’article passe en revue les dernières recherches, les directives de pratique clinique existantes et présente les principaux domaines d’incertitude qui doivent être abordés pour assurer des soins et une prise en charge optimaux des patients atteints ou à risque d’EP.
« On ne sait pas encore si un anticoagulant oral direct particulier – la norme de soins – est préférable pour le traitement de l’EP », illustre la Dre Kahn. » C’est pourquoi nous recrutons actuellement des patients du CETAC dans des essais randomisés en cours qui évaluent l’apixaban par rapport au rivaroxaban pour le traitement initial des patients atteints de thromboembolie veineuse. »
La Dre de Wit s’attaquera à une autre zone d’incertitude en dirigeant au Canada un important essai multinational, randomisé et contrôlé visant à évaluer l’efficacité et la sécurité d’une thérapie impliquant une dose réduite de médicaments thrombolytiques chez les patients présentant une EP aiguë à risque intermédiaire. Cet essai débutera dans quelques mois et sera également mené à l’Hôpital général juif/Institut Lady Davis.
« La bonne nouvelle, c’est que les caillots de sang sont évitables et traitables s’ils sont découverts tôt », indique la Dre Kahn. « Bien qu’il existe de nombreux facteurs de risque, en portant une attention particulière à la prévention et au traitement, nous pouvons diminuer l’incidence et la récurrence de la TEV et ses complications, telles la PE. » Ceci souligne l’importance d’une action concertée pour guider et former les médecins—surtout ceux qui travaillent dans les milieux à haut risque comme les cabinets de soins de première ligne, les salles d’urgence, les unités de soins médicaux et chirurgicaux et les unités de soins intensifs—et éduquer le grand public et les patients afin de permettre un diagnostic précoce.