Cette nouvelle approche pourrait conférer une immunité à plus long terme contre la COVID et ses nouvelles variantes, et constituer une solution de rechange utile pour les patients qui répondent mal aux vaccins conventionnels.
Dans une avancée potentielle enthousiasmante dans la lutte contre la COVID-19, les docteurs Christopher E. Rudd, Uri H. Saragovi et leurs collègues ont publié un article dans la revue iScience décrivant la première conception réussie de récepteurs antigéniques chimériques sur des cellules T (appelées CAR-T) qui reconnaissent et tuent les cellules exprimant les peptides de la protéine de spicule du virus SARs CoV 2 (COVID-19) chez la souris.
Ces dernières années, la thérapie par cellules CAR-T a été développée et utilisée comme une immunothérapie efficace contre les cancers, notamment les cancers hématologiques. Elle consiste à prélever sur un patient des lymphocytes T, un type de globules blancs du système immunitaire qui jouent un rôle clé dans l’élaboration de la réponse immunitaire adaptative. Ces lymphocytes T sont alors génétiquement multipliés et modifiés pour reconnaître et détruire les cellules cancéreuses, puis réinjectés au patient.
« Notre étude est l’une des premières à explorer la faisabilité de l’immunothérapie CAR-T anti-SARS-CoV-2 et son potentiel pour prévenir et traiter les cas graves de COVID-19 », explique le Dr Uri H. Saragovi, chercheur principal à l’Institut Lady Davis (LDI) de l’Hôpital général juif et membre du Centre de recherche translationnelle sur le cancer de McGill, basé au Centre du cancer Segal.« L’un des grands avantages des CAR-T c’est qu’elles ont le potentiel de fournir une immunité à plus long terme à la COVID-19 que la plupart des vaccins. Contre le cancer, par exemple, les CAR-T peuvent séjourner dans l’organisme des patients pendant près de deux ans. »
L’étude a utilisé des anticorps contre la protéine de spicule du SARs CoV2 pour générer des cellules CAR-T et a montré que celles-ci réagissent efficacement, tuant les cellules cibles chez les souris. « En fait, nous avons été surpris par l’efficacité de l’approche et par l’avidité avec laquelle les cellules CAR-T attaquent les cibles exprimant les peptides du SAR CoV2 », déclare le Dr Christopher E. Rudd, chef de l’axe en Immunologie-oncologie au Centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, professeur associé au département de médecine de l’Université McGill, et membre du Centre de recherche translationnelle sur le cancer de McGill, qui a dirigé l’étude. « Jusqu’à 10 CAR-T se forment autour d’une seule cellule cible, qui n’a aucune chance de survivre à une telle attaque. Notre étude est la première étape dans le développement d’une nouvelle approche thérapeutique contre le virus SARs CoV2. »
Les stratégies actuelles utilisent les vaccins pour la production d’anticorps ainsi que, à des degrés divers, des lymphocytes T. Cependant, un nombre important de personnes vaccinées ne répondent pas de manière optimale. Il s’agit notamment des adultes âgés ou fragiles, des personnes immunodéprimées, des personnes traitées pour certains types de cancer ou qui prennent certains médicaments, etc. En outre, l’efficacité à long terme des anticorps induits par les vaccins et leur résistance globale aux nouveaux variants restent incertaines, montrant la nécessité de développer des approches thérapeutiques nouvelles, alternatives ou complémentaires, telles la thérapie par cellules CAR-T.
« Nous avons conçu des cellules T qui peuvent cibler directement la protéine de spicule du SARs CoV2 et qui éliminent in vivo les cellules exprimant des peptides du virus SARs CoV2 », réaffirme le Dr Rudd. « Le succès de ces cellules ne dépend pas de la capacité d’une personne à répondre à un vaccin. Au contraire, nous fournissons des cellules T armées et prêtes à faire le travail même chez les personnes qui, autrement, ne peuvent pas développer une bonne réponse immunitaire. »
À ce titre, les CAR-T COVID-19 pourraient conférer une immunité à plus long terme que celle observée avec les approches vaccinales actuelles et pourraient être utiles pour compléter les approches vaccinales chez les patients qui répondent mal aux vaccins conventionnels, notamment les patients immunodéprimés.
Bien que la présente étude soit actuellement limitée aux souris, « l’approche CAR-T est la première étape dans le développement d’une nouvelle arme potentielle dans notre arsenal contre le virus CoV2 du SRAS et ses nouveaux variants », explique le Dr Rudd. « D’autres travaux sont nécessaires pour évaluer la capacité de notre approche CAR-T à éliminer différentes infections virales et la possibilité d’effets secondaires. Nous devons également générer un plus grand nombre et une plus grande diversité de cellules CAR réagissant avec d’autres sites du virus COVID. La reconnaissance d’un plus grand nombre de sites permettra d’induire une réponse immunitaire plus large et complète. »
Guo, X., Kazanova, A., Thurmond, S., Saragovi, H.U., Rudd, C.E, Effective chimeric antigen receptor T-cells (CAR-Ts) against SARS-CoV-2 ISCIENCE (2021), doi: https://doi.org/10.1016/j.isci.2021.103295.