Une étude populationnelle, menée par le Dr Paul Brassard de l’Institut Lady Davis (ILD) de l’Hôpital général juif, a révélé qu’il existe un lien entre des antécédents de maladies infectieuses et le risque d’être atteint de la maladie d’Alzheimer. Les résultats sont publiés dans le Journal of Alzheimer’s Disease.
« Au cours de notre exploration de nouvelles approches pour comprendre pourquoi et comment la maladie d’Alzheimer s’empare du cerveau, nous nous sommes arrêtés sur l’hypothèse que les infections sont associées à la maladie d’une manière ou d’une autre, a affirmé le Dr Brassard, chercheur principal au Centre d’épidémiologie clinique de l’ILD et professeur agrégé au Département de médecine de l’Université McGill. Puisque nous avons établi un lien entre ce facteur et l’Alzheimer, le point à retenir sur le plan clinique est que la prévention et le traitement de certaines maladies infectieuses au cours de la vie d’un individu peuvent potentiellement contribuer à réduire le risque de développer la maladie d’Alzheimer. »
L’équipe de recherche a utilisé le Clinical Practice Research Datalink du Royaume-Uni, une des plus grandes bases de données médicales dans le monde. Tous les sujets non atteints de démence et âgés de plus de 50 ans lors de leur inscription entre janvier 1988 et décembre 2017 ont été inclus dans la cohortede 4 262 092 individus, dont l’âge moyen à l’inscription était à peine plus de 60 ans et dont 52 % étaient de sexe féminin. En effectuant un suivi médian de 10,5 ans, on a associé 40 455 cas d’Alzheimer à 1 610 502 témoins. Parmi les manifestations clinique étudiées dans l’analyse, on retrouve : l’herpès labial ou génital; l’hépatite, la rétinite et la colite à cytomégalovirus; la mononucléose; la maladie de Lyme; la gingivite; les infections urinaires; la gastrite; la pneumonie; et la candidose. Toutes ces manifestations clinique sont causées par des pathogènes qui ont été liés à l’Alzheimer par le passé.
La présence d’antécédents de maladies infectieuses, lorsque comparée à leur absence, était associée à un accroissement du risque de développer la maladie d’Alzheimer (RC : 1,05; IC de 95 % : 1,02 à 1,08). Le risque augmentait avec le temps à partir de la première infection et atteignait son point le plus haut après 12 à 30 ans (RC : 1,11; IC de 95 % : 1,05 à 1,17). Cependant, le risque n’augmentait pas avec le nombre cumulatif des infections.
« Ce n’est que pure conjecture, mais il est biologiquement plausible que le processus inflammatoire qui accompagne toute infection permette aux pathogènes de franchir la barrière hématoencéphalique et d’ainsi contribuer aux mécanismes qui, à terme, favorisent le développement de l’Alzheimer, suggère le Dr Brassard. Nous constatons de plus en plus que la maladie d’Alzheimer dépend de facteurs multiples. Si on peut affirmer que certaines maladies infectieuses contribuent au risque de développer l’Alzheimer, nous avons alors un argument de poids en faveur de l’adoption de mesures préventives. »
Cette étude a utilisé des données qui ont précédé l’émergence de la COVID-19; il faudra bien des années avant qu’il y ait suffisamment de données pour mettre au jour un lien éventuel entre le virus SARS-CoV-2 et la maladie d’Alzheimer. Toutefois, étant donné que ce virus a démontré des effets neurologiques chez certains patients, il serait pertinent de déterminer s’il est associé à d’autres problèmes à long terme et si les vaccins pourraient nous en protéger.
Le Dr Brassard et ses associés croient qu’en raison des limitations inhérentes à leur étude observationnelle de grande envergure, l’hypothèse d’un lien entre des antécédents d’infections et la survenue de la maladie d’Alzheimer doit faire l’objet d’une étude plus approfondie.
« Puisque nous nous sommes seulement intéressés aux individus âgés de plus de 50 ans, nous encourageons toute recherche portant sur un éventuel lien entre les infections subies plus tôt dans la vie et l’émergence de l’Alzheimer, a affirmé le Dr Antonios Douros, auteur principal de l’article, professeur adjoint du Département de médecine de l’Université McGill et chercheur à l’ILD. Nous encourageons aussi toute recherche visant à déterminer si, dans le cas de pathogènes associés à l’Alzheimer, la vaccination ou le traitement diminuent le risque de développer la maladie. Bien qu’il soit extrêmement difficile d’éviter les infections courantes au cours de toute une vie, l’argument pour une intervention précoce serait certainement renforcé s’il était démontré que celle-ci assure plus tard une protection contre ce sort terrible. »
Infectious Disease Burden and the Risk of Alzheimer’s Disease: A Population-Based Study, Antonios Douros, Christina Santella, Sophie Dell’Aniello, Laurent Azoulay, Christel Renoux, Samy Suissa et Paul Brassard, Journal of Alzheimer’s Disease. DOI 10.3233/JAD-201534